Enemigo - Jiro Taniguchi
Nation
imaginaire d’Amérique Latine, le Nascencio a connu les affres de la dictature
et de la guerre civile. Apparemment pacifié et sur la voie de la modernisation,
ce pays a fait appel au groupe japonais Seshimo. Ce-dernier a pour tâche de
transformer la jungle en terres cultivables. Seulement, le président de cette
société, Yûji, est enlevé par des mercenaires visiblement hostiles à ces
travaux de grande envergure. C’est au grand frère de Yûji, Kenichi, simple
détective privé de New-York, d’enquêter sur ce kidnapping. Il n’aura pas
seulement à cœur de retrouver son frère, il lui faudra également enquêter sur les
parts d’ombre de cette affaire qui connaîtra son lot de rebondissements.
Jiro
Taniguchi est désormais bien connu à travers l’hexagone. Plus que ça, il est
devenu une véritable référence pour tous les amateurs de mangas matures,
intimistes et introspectifs. Le journal
de mon père ou Quartier Lointain
(qui, outre le fait d’avoir été primé à Angoulême en 2003, a fait l’objet d’une
adaptation cinématographique par Sam Garbarski) paraissent comme étant les
œuvres les plus représentatives de ce que Taniguchi fait de mieux en la
matière.
Enemigo rompt clairement avec ce type de production. Il
s’agit là d’une œuvre de jeunesse dans laquelle le mangaka a simplement assuré
le dessin. La responsabilité du scénario est revenue, quant à elle, à M.A.T.,
un groupe de scénaristes énigmatique, si l’on en croit l’auteur d’Au temps de Botchan. Initialement, Enemigo est paru dans la revue Play Comic entre le 6 décembre 1984 et
le 25 avril 1985 (soit quelques années avant qu’Ozamu Tezuka ne situe lui aussi
l’action de son manga « Gringo » en Amérique Latine) au pays du
soleil levant.
Avec
Enemigo on se trouve en présence d’un manga surprenant et très éloigné des
productions plus récentes de Taniguchi. Bien plus inspiré par la bande-dessinée
occidentale (même s’il emprunte la figure du héros à l’américaine, Taniguchi
confesse avoir été fortement inspirée par la bande-dessinée franco-belge) mais
également par le cinéma d’action, ce manga d’aventure-action, comme le qualifie
le dessinateur lui-même. Taniguchi y recycle allègrement le héros icônique tombeur
de ces dames, capable de venir à bout de tout un escadron à lui seul. Kenichi
est ce héros aux réminiscences nostalgiques et aux muscles saillants. Ajoutons
à cela qu’il a fait le Vietnam et il sera impossible pour le lecteur de ne pas
faire le rapprochement avec un certain John Rambo.
On
est bien loin de L’homme qui marche,
mais comme le note Nicolas Finet en postface, il faut bien reconsidérer
chronologiquement Enemigo au sein de
l’œuvre de Jiro Taniguchi. Et même s’il jure avec cette-dernière, il n’en
demeure pas moins un très bon manga. On se laisse prendre au jeu sans mal, au
sein de ce condensé d’action et de complot, le tout mâtiné des quelques effets
humoristiques et dramatiques (nécessaires aux blockbusters hollywoodiens).
Enrichi de quelques artworks et de documents permettant de mieux cerner la
genèse de ce manga (notamment un entretien avec Taniguchi), Casterman compte,
avec « Enemigo », une nouvelle œuvre phare à sa collection Sakka.
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