Charles Bukowski - Sur l'écriture
Alors Buk est
quelqu’un de difficile à classer. Et d’ailleurs à quoi bon classer, c’est juste
un truc de journaleux. Bref, tentons toutefois de se plier à l’excercie… Beaucoup considèrent Bukowski comme un mètre
étalon de la contre-culture si tant est que l’on puisse étlaonner la
contre-culture. On a tendance à le considérer comme un post-Beat, un peu à la
manière du canadien Richard Brautigan. A ce titre, le bouquin de Jean-François
Duval « Buk et les Beats : essai sur la Beat Generation » était
très intéressant puisqu’il revenait sur les liens entre Bukowski et la Beat
Generation (comme son titre l’indique fort judicieusement). La Beat Generation
qui n’était d’ailleurs pas un mouvement, un courant ou quelque chose de cet
acabit. Les auteurs ne se sont jamais définis comme représentant la Beat
Generation, ce terme étant une pure invention journalistique. Un gratte papier
l’a écrit dans quelque journal et tout le monde a repris ce label la bouche en
cœur, sans trop s’attacher à ce que les écrivains intéressés avaient à en dire.
Bref, On voit à
travers le bouquin de Duval que Bukowski appréciait le travail de Kerouac et
peut-être aussi ce qu’il représentait. En revanche point de tendresse à l’égard
d’Allen Ginsberg, poète, auteur de Howl et une des figures les plus médiatiques
de ce courant. Ayant la médiatisation et de la starification en horreur, sans
doute l’aversion de Bukowski est-elle en partie due à l’implication de Ginsberg
dans ce registre. Dans son bouquin « Sur l’écriture », il évoque
Ginsberg, l’égratigne, pour rester poli. Mais l’aversion de Buk pour un autre
écrivain n’a rien de bien original ou d’unique. Nombreux sont ceux qu’il
critique vertement. Faulkner, Keats, pour ne citer que deux des plus fameux
noms des lettres anglaises (et américaines, par capillarité).
En 2012 était
sorti « Sheakspeare n’a jamais fait ça », sorte de carnet d’un voyage
européen que Bukowski avait fait en compagnie de sa femme et du photographe Michael Montfort. Deux ans plus tard, « Le retour du vieux
dégueulasse » fait son apparition en librairie. Là, on se dit, pas
possible, Buk serait revenu d’entre les morts pour nous avoiner encore ses
saloperies ? En rien. Il s’agit de quelques fonds de tiroir dépoussiérés.
Il faut toujours se méfier des fonds de tiroir. A juste titre tant ce genre de
parution vise en général, davantage à faire sourire le banquier de l’éditeur
qu’à émerveiller le lecteur, l’amateur éclairé, l’inconditionnel. Grasset était
même allé jusqu’à reprendre le même type de couverture que celle du vieux
dégueulasse. Reste que le contenu était tout à fait honorable, avec, dans la
plus pure veine Bukowskienne, du bon et du moins bon.
Un an plus tard
sortait « Un carnet tâché de
vin » recueil de chroniques et de nouvelles. Alors là on se dit qu’à ce
rythme là, on est bon pour se fader des œuvres posthumes sur plus d’une
décennie tant Bukowski avait été prolifique et qu’il ne faut pas douter du fait
que l’on retrouvera bien à plus ou moins long/court terme, quelques nouvelles
parues dans d’obscures revues. Car dans les premiers temps, Buk fonctionnait essentiellement
avec des publications dans des revues. Il envoyait nouvelles et poèmes par
brassées, se heurtant souvent à des revers cuisants, comme cela est révélé à
travers certaines lettres dans « Sur l’écriture », justement. Confrontant
des sources qui diffèrent, certaines évoquant des fonds de tiroir et d’autres
évoquant non des fonds de tiroirs mais un authentique nouvel ouvrage comportant
nouvelles et chroniques, nous allons procéder à une clarification somme toute
macronnienne en évoquant des fonds de tiroirs ayant permis un ouvrage inédit
composé de nouvelles et de chroniques.
Si dans un
carnet tache de vin, on trouve des considérations sur la littérature, et sur
certains de ses référents (Hemingway, Ezra Pound…) on retrouve dans « Sur
l’écriture », une approche assez similaire. Pour un écrivain, la question
de l’écriture est fondamentale, c’est la fameuse question de la
« cuisine ». Dans le même esprit, la maison d’édition americaine
Scribner a publié une sélection de textes d’Ernest Hemingway intitulés
« On writing », voyez comme la parentée est proche dans la démarche,
comme dans le titre (dans la même idée, La découverte a publié en 2016 un Jack
London « profession écrivain », recueil de textes dans lesquels
London évoque l’écriture et tout ce qui s’y rattache). Avec « Sur
l’écriture » de Bukowski, on a une sélection de lettres publiées dans un
ordre chronologique, ce qui est pertinent car cela permet d’observer
l’évolution du personnage de 1945 à 1993 soit près d’un demi-siècle.
De nombreuses
lettres, donc, parfois agrémentées de dessins.
On regrettera le
fait qu’il manque peut-être les lettres des destinataires, ce qui fait que l’on passe parfois un peu à
côté du propos. C’est le problème récurrent avec ce type d’ouvrages. Publier
les lettres des correspondants aurait sans doute gonflé l’ouvrage de façon
superficielle. Parmi les correspondants, on compte des éditeurs, des amis mais
aussi des écrivains comme Harold Norse, Lawrence Ferlinghetti, John Fante ou
Henry Miller. On y parle parfois de tout et rien, de littérature et de menue monnaie.
Un ouvrage à
recommander aux amateurs de littérature, à ceux qui s’intéressent à l’envers du
décor. Une bonne façon de découvrir aussi à quel prix se bâtit une renommée
littéraire.
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